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UICN 2025 : les droits de la Nature passent de l’idée à l’action

Dernière mise à jour : il y a 13 minutes

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Cette année, les droits de la Nature et le droit écocentrique seront au cœur des débats du Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la Nature qui se tiendra du 5 au 15 octobre 2025 à Abu Dhabi. Pas moins de cinq motions entendent défendre la nécessité de faire évoluer notre relation juridique et politique aux écosystèmes vers une coexistence respectueuse. 


Parmi ces motions, Wild Legal a eu la chance de pouvoir participer à la rédaction de la motion 054 aux côtés de son partenaire de longue date, le Réseau des réserves naturelles de France (RNF, membre du Comité français de l’UICN). Cette motion sera présentée au vote d’ici quelques jours. 


Décryptage


Une dynamique historique autour des droits de la Nature


Le Congrès mondial de la Nature de l’UICN a lieu tous les 4 ans. Il s’agit d’un événement majeur où les 1.400 organisations membres de l’UICN, présentes dans plus de 160 pays, définissent les priorités d’action de l’Union pour les 4 prochaines années et influencent la législation et les décisions politiques des différents pays

Depuis plus d’une décennie, l’UICN a progressivement intégré le concept des droits de la Nature dans son agenda. 


La résolution 5.100 adoptée en 2012 à Jeju, « Intégrer les droits de la Nature comme pierre angulaire du processus décisionnel de l’UICN », a marqué une première étape décisive. Son Manifeste éthique insiste sur la nécessité de repenser nos relations avec le vivant. 


L’adoption du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal en 2022, qui reconnaît explicitement « les droits de la Nature et les droits de la Terre nourricière » comme des leviers fondamentaux pour une mise en œuvre réussie de la conservation a également marqué un tournant sur la scène internationale. 


En 2025, cette dynamique franchit un cap : pas moins de cinq textes liés aux droits de la Nature seront présentés au vote, reflétant la reconnaissance croissante de ce cadre juridique innovant à l’échelle internationale.


Motion 054 : Expérimenter les droits de la Nature dans la Liste verte


Le Comité français de l’UICN a coordonné la rédaction de 32 motions françaises, portées par ses organisations membres. Il s’agit principalement des établissements publics et des associations de protection de la Nature.


Aux côtés du réseau des réserves naturelles, notre ambition était de proposer au Congrès mondial une motion visant à transposer et adapter l’expérimentation pour les droits de la Nature menée en France, à l’échelle internationale. 


Ce programme mené aujourd’hui avec 25 sites pilotes en France montre que l’opérationnalisation des droits de la Nature, notamment dans les aires protégées, peut favoriser une réconciliation et de nouvelles relations justes et pérennes entre les besoins humains et ceux de la Nature. Il s’agit également d’inciter à l’action citoyenne, et de contribuer à réduire la vulnérabilité des territoires face aux effets du changement climatique et aux activités extractives. 


Le texte adresse ainsi plusieurs recommandations : 


  1. Aux États :

    1. reconnaître officiellement les droits de la Nature, dans leur diversité d’approches juridiques et culturelles, et de promouvoir leur mise en œuvre concrète dans les territoires, notamment dans les aires protégées et les sites de la Liste verte de l’UICN ; et

    2. garantir des espaces de démocratie environnementale, permettant à la société civile – y compris les gardiens des droits de la Nature – de participer activement aux processus de décision afin de défendre les intérêts écologiques fondamentaux.

  2. Aux gouvernements nationaux, locaux et infranationaux :

    1. planifier les activités humaines en cohérence avec les droits de la Nature, en veillant à respecter les limites écologiques et à favoriser la régénération des écosystèmes ; et

    2. impliquer pleinement les peuples autochtones et les communautés locales, en reconnaissant leur rôle essentiel de protecteurs du vivant et de porteurs de savoirs écologiques.

  3. à l’UICN :

    1. poursuivre les réflexions juridiques sur les régimes de reconnaissance des entités naturelles en tant que sujets de droit, et promouvoir des cadres innovants alignés sur les principes des droits de la Nature ;

    2. lancer des expérimentations dans un réseau de sites pilotes, notamment au sein des aires protégées, afin d’observer concrètement les effets de la reconnaissance des droits de la Nature ; et

    3. encourager la documentation et la valorisation d’initiatives inspirantes, locales et internationales, où les droits de la Nature sont déjà reconnus ou en voie de l’être.

  4. A la Commission mondiale des aires protégées et à la Commission du droit de l’environnement  :

    1. coordonner une évaluation rigoureuse des impacts de ces expérimentations sur la conservation de la biodiversité, les conditions de vie des communautés locales et les modes de gouvernance associés ; et

    2. élaborer une boîte à outils réplicable, fondée sur les enseignements tirés de ces expériences, permettant d’accompagner les acteurs dans la mise en œuvre concrète des droits de la Nature dans divers contextes.


Cette motion vise à franchir une étape décisive : passer de la reconnaissance théorique des droits de la Nature à leur mise en œuvre concrète dans les territoires, afin d’inventer de nouveaux cadres de gouvernance écologiques, démocratiques et solidaires.


Les autres motions écocentrées à suivre


Aux côtés de la Motion 054, plusieurs autres textes ouvriront la voie à une transformation du droit de l’environnement. Ces propositions traduisent toutes une volonté partagée d’inscrire les écosystèmes comme sujets de droit, et non plus comme de simples ressources, en cohérence avec le respect des limites planétaires et de la valeur intrinsèque du vivant.


La motion 067 : « Vivre en harmonie avec les cours d’eau grâce aux droits de la Nature et au droit écocentrique » – portée par Earth Law Center.


Ce texte vise à encourager les membres de l’UICN à examiner en détail les droits des cours d’eau et des zones humides, ainsi que d’autres approches écocentriques, y compris des cadres fondés sur les relations. Il s’agit d’offrir un appui technique, financier et sur le plan des politiques, et d’intégrer ces principes dans la protection et la restauration des écosystèmes d’eau douce et dans la restauration et la conservation des terres.


La motion 055 : « Reconnaissance des droits de l’Antarctique » – défendue par la coalition Antarctic Rights.


Ce texte encourage notamment les membres de l’UICN à promouvoir la coopération en vertu du Système du Traité de l’Antarctique afin de protéger la valeur intrinsèque de l’Antarctique et de ses écosystèmes dépendants et associés et à soutenir la reconnaissance de ses droits.


La motion 056 : « Promouvoir une relation éthique entre les êtres humains et les océans » – soutenue par Ocean Vision Legal.

Ce texte demande entre autres, à la Commission mondiale du droit de l’environnement et à la Commission mondiale des aires protégées de coordonner et d’établir des pratiques exemplaires et des lignes directrices pour l’intégration et le respect des droits et valeurs intrinsèques de l’océan et pour sa gouvernance.


La motion 070 : « Intégrer des approches fondées sur les droits et la science dans les stratégies de rétablissement écologique ».


L’ensemble des motions peuvent être consultées ici. 


Conclusion : un tournant pour les droits de la Nature


Le Congrès mondial de l’UICN 2025 à Abu Dhabi pourrait marquer un tournant historique : celui du passage des principes à l’opérationnalisation des droits de la Nature. En inscrivant cette approche dans les outils de conservation les plus reconnus au niveau international, comme la Liste verte, il s’agit d’ancrer un nouveau rapport entre les sociétés humaines et les écosystèmes : fondé sur le respect, la réciprocité et la reconnaissance juridique du vivant.


Pour Wild Legal, cette étape illustre une conviction forte : les droits de la Nature ne sont pas une utopie, mais une réponse concrète et nécessaire face à l’urgence écologique et toutes les institutions trouveront dans la philosophie et les principes de ce mouvement de quoi enrichir et consolider leurs pratiques pour la défense du Vivant. 



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