Elysee 2022, qui défend le crime d’écocide ?
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Elysee 2022, qui défend le crime d’écocide ?


Avec la Loi Climat et Résilience votée en août 2021, le délit d’écocide a été inscrit à l’article L 231-3 du Code de l’environnement. Toutefois, si le terme d’écocide est présent, sa définition est très éloignée du sens historique de l’écocide, désignant le crime au sommet de la pyramide des infractions environnementales. Un beau coup de communication du président en exercice. En effet, l’écocide y est réduit à un délit et non un crime. Cette qualification est particulièrement importante au niveau symbolique mais également au regard des sanctions applicables, puisqu’en droit français, le critère de distinction entre le crime et le délit est le quantum (montant) de la peine d’emprisonnement avec minimum 10 ans de réclusion criminelle pour les crimes.


Un “délit d’écocide” par conséquent loin d’être satisfaisant. Alors que proposent les autres candidates et candidats aux élections présidentielles ?


Yannick Jadot

Le candidat écologiste Yannick Jadot a affirmé à plusieurs reprises être favorable à la reconnaissance en France d’un crime d’écocide.

Dans son programme : “Nous reconnaîtrons le crime d’écocide et mettrons fin à l’impunité des pollueurs. Nous inscrirons dans le droit pénal la reconnaissance du crime d’écocide, que nous définirons comme le fait de causer des dommages graves, durables ou étendus à l’environnement de nature à mettre en danger à long terme l’équilibre des milieux naturels ou susceptible de nuire à l’état de conservation d’un écosystème. Nous porterons la reconnaissance de l’écocide au niveau européen ainsi que devant la Cour pénale internationale, aux côtés des États qui partagent notre ambition d’assurer la défense des communs planétaires.”


La définition du crime d’écocide retenue par le candidat est celle proposée par l’association Wild Legal.


Cependant, le candidat a précisé sa proposition lors du “débat du siècle” en ajoutant notamment que le crime d’écocide engloberait également les agissements non délibérés. Si la volonté d’une reconnaissance d’un crime d’écocide non intentionnel n’est pas une nouveauté, c’est notamment la proposition de Polly Higgins et de End Ecocide on Earth au niveau international, cela pose d’importants problèmes au niveau du droit français. Plusieurs principes fondamentaux du droit pénal français se heurtent à cette proposition, en l'occurrence la règle de l'intentionnalité des crimes (article 121-3 du Code pénal) et le principe de proportionnalité et de nécessité des peines (article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen). Si une réforme de l’article 121-3 du Code pénal est possible pour poser une exception au principe d’intentionnalité des crimes, au-delà de bouleverser le droit pénal français, la constitutionnalité de cette réforme serait discutable. Par conséquent, si le projet du candidat repose sur des intentions louables, en l’occurrence sanctionner les atteintes graves à l’environnement, celui-ci ne semble pas réalisable en l’état au regard du droit pénal français.


C’est pourquoi l’association Wild legal, consciente de la difficulté probatoire de prouver l’intention de commettre un écocide, et de l’existence d’atteintes graves à l’environnement causées sans intention, a proposé une définition d’un délit d’atteinte grave à l’environnement, non intentionnel, pour compléter le crime d’écocide et incriminer ces cas d’imprudences, créateurs de dommages d’une extrême gravité. La coexistence de ces deux infractions permettrait d’instaurer une gradation des sanctions en fonction de l’intentionnalité (voir page 15 du dossier législatif).



Anne Hidalgo

La candidate du parti Socialiste, Anne Hidalgo est également en faveur de la reconnaissance du crime d’écocide.

Dans son programme figure : “La loi reconnaîtra et punira le crime d’écocide contre les atteintes graves et intentionnelles à l’environnement, et nous porterons en Europe et au sein de l’ONU la création d’un Tribunal Pénal International de l’Environnement.”


Sur son site internet, elle souligne “J’instaurerai le crime d’écocide pour renforcer notre arsenal juridique en matière de réparation des atteintes à l’environnement. La qualification de crime permet de couvrir la notion d’intentionnalité et les cas produisant les dommages les plus graves et/ou irréversibles”.


Cette définition ne fait donc pas référence aux agissements non intentionnels comme celle de Yannick Jadot, mais au regard du manque de précisions de cette proposition, il est complexe de se prononcer sur sa faisabilité au niveau juridique.



Jean Luc Mélenchon



Le candidat de la France Insoumise s’est également déclaré en faveur de la reconnaissance du crime d’écocide.

Dans son programme, il prévoit comme mesure clef “Reconnaître un crime d’écocide. La crise écologique ne connaît pas les frontières administratives. Ce qu'un pays rejette dans l'air sera aussi respiré par ses voisins. Ce qu'il déverse dans l'eau échouera sur la côte à l'autre bout du monde. Les responsabilités sont forcément collectives. Les entreprises criminelles et les pollueurs de masse doivent répondre de leurs actes. Il est donc temps d'élargir le droit international à l'impératif climatique et écologique.”

Cette proposition est inscrite également dans son livret thématique sur “la planification écologique”, portant la promotion “d’une nouvelle diplomatie écologique à l’échelle internationale : Dans les instances multinationales et bilatérales, la France défendra la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique en modifiant nos façons d’échanger, de produire et de consommer. Elle portera les principes de la planification écologique et de la règle verte à l’échelle internationale, ainsi que le principe de non-régression et la reconnaissance de la notion de crime contre la nature (écocide).”


Il semblerait donc que le soutien du candidat de la France Insoumise pour le crime d’écocide soit tourné principalement vers la politique internationale. Jean Luc Melanchon parle dans ce cadre de “la création d’un tribunal international de justice climatique tel que proposé par la Bolivie depuis 2009”.

Une proposition intéressante, mais qui ne coïncide pas avec les efforts menés par les juristes internationaux du Groupe d'Experts Indépendants pour la Définition Juridique de l'Ecocide convoqué par la Fondation Stop Ecocide. Leur objectif est d’obtenir une révision du Statut de Rome afin d’intégrer parmi les compétences de la Cour pénale internationale, la possibilité de se saisir des crimes d’écocide. Cette stratégie juridique se justifie par la difficulté que représente le fait de créer de toute pièce une nouvelle juridiction. La Belgique a récemment voté dans ce sens le dépôt d’un amendement au Statut de Rome.


Wild Legal rappelle que le député Jean Luc Mélenchon, a déposé l’amendement rédigé par ses soins à l’occasion des débats de la Loi Climat et Résilience aux côtés des 16 autres députés LFI. L’association souligne ainsi son soutien à la reconnaissance du crime d’écocide en droit français et en droit international.


Macron et les autres candidats


Le président candidat Macron a refusé la proposition de l’association Wild Legal et des membres de la Convention citoyenne pour le climat de reconnaître un véritable crime d’écocide, mettant en avant l’adoption d’un pseudo “délit d’écocide".

Soulignons néanmoins que la Loi Climat et Résilience a par ailleurs prévu à l’article 296 “dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur son action en faveur de la reconnaissance de l'écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales”. Sa réélection impliquerait donc la poursuite d’efforts internationaux en ce sens, efforts dont on attend encore les premiers signes.


Concernant les autres candidats aux élections, nous n’avons pas connaissance de leur position quant à la reconnaissance du crime d’écocide.


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