Chronique n°2 du Conseil de l’Europe - L’Ecocide résiste au premier round de négociations
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Chronique n°2 du Conseil de l’Europe - L’Ecocide résiste au premier round de négociations




Du 16 au 18 octobre, pour la première fois, le comité d’experts a examiné le projet de convention, préparé par le Comité d'experts sur la protection de l'environnement par le droit pénal, dans lequel siège Wild Legal en tant qu’organisation observatrice. Il est prématuré de se prononcer sur le résultat final du texte attendu pour le mois de juin 2024, mais cette première lecture a mis en lumière des zones d’accords et de futurs points de crispation.


Pour rappel, la première réunion de ce comité a eu lieu en avril dernier, comme nous l’avions relaté dans notre Chronique n°1 du Conseil de l’Europe.


Ce comité regroupe l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, la Commission européenne, des organisations internationales observatrice (ONUDC, le PNUE, Interpol) et des ONG (la Global initiative to End Wildlife Crime (EWC), la Wildlife Justice Commission (WJC) et Wild Legal. Une excellente coopération s’est amorcée entre les organisations de la société civile et d’autres membres observateurs, qui a vocation à se pérenniser dans l’optique de la prochaine réunion du comité en février 2024.


Lors de cette première lecture, chacune des parties a pu apporter ses observations générales mais aussi d’ores et déjà des propositions d’amendements au texte. Ces premiers échanges ont notamment soulevé la question de l'articulation du projet de convention du Conseil de l’Europe avec la proposition de directive européenne relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.


L’inscription de l’écocide dans la convention n’a pas été remise en cause mais des réticences sont apparues quant à son contenu.


En l’état, l’article 27 du projet de convention qui porte sur la reconnaissance de l'écocide, propose deux définitions. Il est ressorti des échanges que l’option B était une base commune de travail privilégié par plusieurs états membres et ONG, comme Wild Legal (voir le projet de convention page 10).


1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger l’écocide en tant qu’infraction pénale grave, conformément à leur droit interne.


2 Aux fins de la présente Convention, le terme « écocide » doit être compris comme tout comportement couvert par le champ des infractions établies conformément à la présente Convention, lorsque ce comportement cause, et est commis en connaissance de la susceptibilité substantielle qu’il cause des dommages graves et étendus, ou graves et durables, ou graves et irréversibles pour la santé humaine ou l'environnement.


Plusieurs voix se sont fait entendre pour que le contenu de cette infraction soit en conformité avec les standards des droits fondamentaux en droit pénal: principe de légalité, de prévisibilité et de proportionnalité. Si Wild Legal partage évidemment ces considérations, elles ne doivent pas servir de prétexte pour vider cette nouvelle infraction de son sens qui est de poursuivre et sanctionner mais aussi de dissuader les auteurs de crimes environnementaux.


Par ailleurs, certaines réticences sont encore à dépasser, notamment

  • concernant le caractère autonome de l'infraction d'écocide, un critère important pour l'association Wild Legal alors que pour certains états membres l'écocide devrait être considéré uniquement comme une circonstance aggravante rattachée à d'autres infractions environnementales.

  • l'utilisation du terme "écocide" dans le texte de la convention, qui peut encore effrayer certains, bien que nous ayons rappelé que cette notion, même édulcorée, existait dans plusieurs systèmes de droit (dont la France!)


La position de Wild Legal


Wild Legal avait fait connaitre en amont de cette rencontre, une proposition de définition retravaillé à partir de l'option B du projet de convention, en cohérence avec les travaux réalisé par l'association aux côtés des membres de la Convention citoyenne pour le climat.


Nous avons notamment fait valoir l'importance de placer l'écocide au sommet de la pyramide des infractions afin qu'il puisse s'appliquer aux atteintes les plus graves causées à la nature.

Par ailleurs, nous avons rappelé au regard de scandales industriels passés, comme la pollution aux boues rouges en mer Méditerranée, que l'écocide devait être reconnu comme une infraction autonome afin de délier les mains du juge pénal, lorsque l'Etat a autorisé ou laissé faire des activités pourtant incompatibles avec la sauvegarde de l'intégrité de notre territoire.

Par ailleurs, nous avons également soulevé la question d'intégrer à la définition de l'écocide les omissions de combattre un sinistre écologique. En effet, notre récente action contre la multinationale TotalEnergies illustre à quel point les grands pollueurs passent aujourd'hui entre les mailles du filet, alors qu'ils connaissent parfaitement les impacts de leurs actions et n'agissent pas pour contrer le chaos climatique et ses prévenir ses conséquences désastreuses.


A ce sujet, Wild Legal a souligné auprès du comité d’experts l’importance de consacrer une infraction ambitieuse, reflétant la protection de l’environnement comme valeur fondamentale de la société. Cette haute valeur sociétale est reconnue tant au niveau politique par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que dans l’opinion publique, comme le démontrent les plus de 600.000 signatures de la pétition “Détruire la planète est un crime” lancé par Stop Ecocide international.


Les intérêts d’ériger l’écocide comme une des infractions les plus graves dans cette convention sont multiples pour :

  • Refléter les valeurs que notre société veut protéger et montrer que les gouvernements et systèmes judiciaires sont conscients de la gravité de la situation.

  • Utiliser le droit pénal dans son volet dissuasif pour envoyer un signal fort à ceux qui détruisent la planète.

  • Garantir, par une infraction générale, une adaptabilité du droit pénal face aux évolutions de la criminalité environnementale. Les autres infractions de la convention visant à réprimer des comportements spécifiques, d’atteintes à l’eau, aux espèces, aux milieux, selon une liste prédéfinie, risquent d’être rapidement obsolètes.

  • Acter une première définition de l’infraction pénale au niveau international, le Conseil de l’Europe pouvant prendre cette initiative, c’est une opportunité à ne pas négliger.


De beaux combats pour les mois à venir


Si rien n’est encore acquis, ne boudons pas un certain plaisir.


Les membres du comité se sont accordés sur la nécessité de maintenir et retravailler la rédaction de la définition de l'écocide lors des prochaines discussions pour aboutir à une infraction effectivement applicable, notamment éclairés par une approche comparée des différentes formes d’écocide déjà incriminées dans le droit pénal de certains Etats parties.


Nous serons particulièrement vigilants pour que soit consacrée une infraction précise, complète et effective. Pour cela, nous continueront à travailler sur le sujet en coalition avec d’autres membres observateurs comme la Global initiative to End Wildlife Crime (EWC) et la Wildlife Justice Commission (WJC), avec lesquels nous nous réjouissons de pouvoir œuvrer en faveur de la rédaction d’une convention ambitieuse.


Doivent être abordées lors de la réunion de février 2024, des questions essentielles relatives au panel des sanctions applicables et au mécanisme de suivi qui devrait accompagner la mise en place de cette nouvelle convention. De même, certaines propositions de Wild Legal, pour compléter les définitions de certaines infractions comme pour ajouter des articles nouveaux au projet afin de donner toute sa vigueur et son ambition à cette Convention, restent à aborder.


Rendez-vous en février 2024 lors de la seconde lecture du projet de convention qui s’annonce décisive.


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