Le peuple Yanomami et la longue lutte contre les chercheurs d'or illégaux
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Le peuple Yanomami et la longue lutte contre les chercheurs d'or illégaux


Crédits : Claudia Andujar

Le peuple Yanomami vit sur un territoire qui s’étend du Brésil au Venezuela, sur lequel sévit le fléau de l’orpaillage illégal, depuis des décennies. Tout comme en Guyane française, ce commerce illégal ravage à la fois les écosystèmes aquatiques et la santé de la population y vivant. Au Brésil, depuis l’arrivée au pouvoir du Président Lula, quelques récents développements ont pu avoir lieu en matière de lutte contre l’orpaillage illégal en terre Yanomami.


L'HISTOIRE DU PEUPLE YANOMAMI

De tous les peuples habitant le territoire latino-américain, les Yanomami figurent parmi ceux qui, depuis des années, des décennies, luttent pour vivre librement sur leurs terres ancestrales - celles sur lesquelles leurs ancêtres ont vécu pendant plusieurs générations. Aujourd’hui, les Yanomami représentent plus de 30 000 personnes. Leur territoire s’étend sur une partie du Brésil et du Venezuela. Au Brésil, celui-ci s’étend sur environ 9,6 millions d’hectares, soit environ deux fois la superficie de la Suisse. Au Venezuela, il s’étend sur environ 8,2 millions d’hectares. Ainsi, l’ensemble de ces territoires en fait le plus grand territoire autochtone au monde.

Territoire sur lequel vit le peuple Yanomami. Crédits : Survival International

Les forêts tropicales ont été le berceau de ce peuple jusqu’au siècle dernier. C’est à partir du 20ème siècle que des premiers contacts eurent lieu et qui se sont accompagnés d’un nombre important de risques : d’une part, la transmission de maladies desquelles ils n’étaient pas protégés, et d’autre part, le risque avéré de perdre peu à peu des parties de leurs terres, entraînant à son tour une perte progressive de liberté, de respect de leur modes de vie traditionnels, de leurs coutumes, et donc de leur identité propre constituée à travers les âges.


A partir des années 1980, la dangerosité de ces contacts est arrivée à son paroxysme. En effet, ces contacts, timides au départ, se sont transformés en une véritable invasion. A cette époque, c’était la précarité et le manque d’opportunités économiques qui ont attiré pas moins de 40 000 orpailleurs illégaux en terre Yanomami. De surcroît, ces orpailleurs ne se sont pas contentés de chercher de l’or, mais ont progressivement laisser passer dans l’antre du paradis des forêts tropicales, un enfer : meurtres, transmissions de nombreuses maladies (ex : rougeole) ont décimé près de 20% de la population Yanomami en moins d’une dizaine d’années, car leur système immunitaire n’avait pas été antérieurement en contact avec ces virus.


C’est seulement en 1992, que leurs terres furent officiellement démarquées. Prenant en compte la grandeur du territoire brésilien, et les centaines de peuples autochtones y vivant depuis des générations, une démarcation des terres actée officiellement en 1992 semble être un accomplissement relativement tardif. L’histoire des peuples autochtones du Brésil, marquée par la violence, la criminalité, l’envahissement des territoires, est également une histoire invisibilisée. La reconnaissance de leur existence et de leur légitimité aux yeux de la loi, a vu le jour seulement depuis la promulgation, le 19 décembre 1973, de la loi 6.001 relative au Statut de l’Indien.


RECONNAISSANCE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES AU BRÉSIL


Cette reconnaissance des peuples autochtones dans le Statut de l’Indien a mené à la reconnaissance de leurs droits dans les domaines civil, politique, et éducatif, notamment concernant la linguistique.


La Constitution du Brésil de 1988, modifiée en 1994 reconnaît à son tour des droits collectifs aux peuples autochtones sur leurs terres ancestrales. C’est l’objet de son article 231.


Malgré cette reconnaissance et les dispositions de la loi 6.001 qui prohibent toute entreprise sur les terres autochtones, celle-ci est assortie de dérogations importantes, prévues en son article 20. En effet, par décret du Président de la République, des dérogations à cette prohibition pourront être mises en oeuvre dans les cas suivants :

  1. Afin de mettre un terme à la lutte entre des groupes tribaux

  2. Afin de combattre les graves maladies épidémiques

  3. Afin d’assurer la sécurité nationale

  4. Afin de réaliser des travaux publics qui concernent le développement national

  5. Afin de réprimer le désordre

  6. Afin d’exploiter les richesses des sous-sols lorsqu’entrent en jeu la sécurité et le développement national

  7. Afin d’empêcher l’emploi de la force contre les Indiens


Ces dérogations notamment celles prévues au point d. et f. posent question. En effet, l’interprétation large de ces dispositions peut impliquer une violation potentielle (mais légale) des droits des peuples autochtones sur leurs terres. Ces dérogations laissent une grande place à l’incertitude et créent une marge de manœuvre importante qui peut, en fonction du pouvoir en place, être utilisée pour ou contre les peuples autochtones.


De plus, malgré la ratification par le Brésil, le 25 juillet 2022, de la Convention n°169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux, protégeant les droits fondamentaux de ces derniers, le peuple Yanomami est en proie à de nombreuses violations de leurs droits propres.

Crédits : Claudia Andujar

ORPAILLAGE ILLÉGAL EN TERRES YANOMAMI


Bien qu’une démarcation de leurs terres ait eu lieu en 1992, ces dernières sont prisées pour leurs ressources en or par les orpailleurs illégaux. Véritable poison pour les écosystèmes aquatiques et terrestres, et pour la santé humaine, cette quête aurifère sur le territoire Yanomami constitue aujourd’hui la principale menace de ce peuple. En effet, afin de récolter l’or, les orpailleurs utilisent le mercure et empoisonnent ainsi l’eau des rivières. Cette eau, vitale, contamine à la fois la faune et la flore aquatique, et la population Yanomami qui utilise cette eau quotidiennement.


En effet, l’eau des rivières du territoire Yanomami serait 8500 fois plus concentrée en mercure par rapport à la norme légalement autorisée. De plus, l’orpaillage illégal s’accompagne d’une forte criminalité, et notamment de violences basées sur le genre (VGB) touchant filles et femmes, et avec cela, la prostitution, l’alcool et autres dérives créant une atmosphère d’insécurité. Pendant le mandat de Bolsonaro, l’exploitation des terres ayant augmenté d’environ 300%, cela a engendré une invasion énorme sur les terres autochtones. Plus de 500 enfants sont décédés de malnutrition et de maladies telles que la malaria.


Depuis l’arrivée au pouvoir le 1er janvier 2023 du Président Lula, l’espoir renaît. Le 22 janvier 2023, il a pris conscience de l’ampleur du désastre touchant les Yanomami et déclaré l’état d’urgence sanitaire dans leur territoire. Ainsi, il a déclenché une opération militaire destinée à déloger les milliers d’orpailleurs illégaux et a pris un décret le 30 janvier afin d’autoriser uniquement les équipes médicales, de fourniture d’eau potable et de vêtements à entrer sur ce territoire. Il a également fermé l’espace aérien et mis en place des contrôles sur les axes fluviaux pour empêcher les orpailleurs illégaux de continuer à opérer dans ces terres.


LUTTE DES WAYANA EN GUYANE FRANÇAISE CONTRE L’ORPAILLAGE ILLÉGAL


En Guyane française, les peuples autochtones, et en particulier le peuple Wayana, souffrent également de l’orpaillage illégal depuis des décennies. Les conséquences sont similaires : cours d’eau contaminés, violence, insécurité… Malheureusement, l’orpaillage est bel et bien une conséquence d’un problème de fond et constitue une toile de survie pour des familles n’ayant pas d’autres opportunités économiques pour se nourrir : c’est un cercle vicieux où la précarité engendre encore plus de précarité.


Dans ce contexte, Wild Legal travaille pour la reconnaissance des droits du fleuve Maroni, lourdement pollué par les rejets de mercure liés à l’activité illégale. L’urgence de protéger le fleuve Maroni et les cours d’eau afférents est bien présente; tout comme c’est le cas sur le territoire des Yanomami. Il va donc être nécessaire que des opportunités économiques viables soient créées par les gouvernements français et brésilien afin de progressivement éradiquer ce commerce illégal et ses conséquences.


Par Caroline Garcia, publié le 14 mars 2023.




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