Guyane, un pas en avant vers la reconnaissance des droits du fleuve Maroni
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Guyane, un pas en avant vers la reconnaissance des droits du fleuve Maroni


Suite à la publication du rapport de la Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, le 21 juillet 2021, Wild Legal ainsi que ses partenaires Maiouri Nature Guyane, l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane (ONAG), l'Association des Victimes du Mercure (ADVM) et le collectif Or de Question saluent le travail réalisé. Nous souhaitons que cette dynamique soit un premier pas vers la reconnaissance des droits du Maroni et l’élaboration d’une nouvelle gouvernance partagée impliquant durablement les Peuples amérindiens ainsi que tous les habitants du fleuve dans la lutte contre l'orpaillage illégal.


Véritable fléau pour la Guyane depuis plus de trois décennies, l’activité des chercheurs d’or clandestins dégrade la santé des écosystèmes et des communautés humaines et non humaines qui en dépendent. Outre la déforestation et le braconnage, les orpailleurs illégaux sont également responsables d’une pollution massive des cours d’eau, notamment en mercure. Ce métal lourd, interdit en France depuis 2006, empoisonne toute la chaîne alimentaire, des poissons aux êtres humains qui s’en nourrissent. Malgré l’action des forces armées, engagées dans la lutte contre cette activité, le nombre d’orpailleurs clandestins présents en Guyane se maintient à des niveaux très élevés. Le rapport de la Commission d’enquête estime qu’actuellement 8 600 orpailleurs illégaux sont répartis sur environ 500 sites en Guyane.


Au regard de cette catastrophe écologique et sanitaire, Wild Legal travaille depuis 2019 à l’élaboration de propositions permettant de protéger efficacement les droits des écosystèmes amazoniens et de ses habitants. En partenariat avec Maiouri Nature Guyane, l’ONAG, l’ADVM et le collectif Or de Question, nous avons organisé en septembre 2020 le premier procès-simulé pour carence fautive de la France dans la protection des droits du fleuve Maroni et du peuple Wayana face à l’orpaillage illégal.


Cette collaboration entre avocats, experts scientifiques et associatifs a permis de mettre en lumière les enjeux autour de la reconnaissance de la personnalité juridique du fleuve, assorti de la création d’un conseil des gardiens afin d’en défendre les intérêts fondamentaux.


Wild Legal se rejouit de voir que des propositions présentes dans le rapport de la Commission d’enquête entrent en résonance avec nos travaux. La proposition n°8 visant à “confier aux chefs coutumiers un rôle d’informateur sur les questions d’orpaillage illégal” et à “prévoir la formation et l’équipement nécessaire”, reflète la volonté d’intégrer les structures coutumières dans la politique menée sur le territoire. En effet, les autorités traditionnelles coutumières et les habitants accomplissent déjà un rôle de vigie auprès des forcées armées mais les renseignements qu’ils apportent ne sont pas toujours efficacement exploités par les militaires, leur donnant parfois le sentiment d’être ignorés. Par peur des représailles et par manque de coordination, les Peuples amérindiens ont été assignés à des missions de guide ou de piroguier, souvent spectateurs impuissants face à la destruction de leurs milieux de vie. Leur confier ce rôle de vigie permettrait de reconnaître la légitimité de leurs savoirs. Pour autant, il nous apparaît important qu’une consultation des habitants du fleuve soit réalisée en amont afin de déterminer plus largement les acteurs qu’il faudrait impliqués et les modes de collaboration qui devraient être mis en œuvre.


Pour cela, il serait intéressant de s’inspirer de l’exemple du fleuve Atrato en Colombie, lui aussi touché par l’orpaillage illégal. Les riverains de ce fleuve, face à la nécessité de s’organiser et de trouver des réponses adaptées, se sont en effet regroupés sous la forme d’un Corps collégial des gardiens du fleuve, rassemblant des personnes désignées par leurs communautés suite à un processus de sensibilisation et de consultation. Aujourd’hui, il s’agit d’une institution hétéroclite, rassemblant femmes et hommes, jeunes et anciens, autochtones et non autochtones, qui sont désormais impliqués dans l’élaboration de propositions économiques, environnementales, sécuritaires et sanitaires pour faire face à l’orpaillage illégal. Inspirés par cette réussite, il nous semble donc opportun d’organiser un dialogue avec l’ensemble des habitants du territoire pour faire émerger un modèle de gouvernance adapté aux volontés des peuples du fleuve.


A ce sujet, Gabriel Serville, rapporteur de la Commission d’enquête et nouveau président fraîchement élu de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) appelle à élaboration d’un statut international du fleuve Maroni en associant les populations autochtones, amérindiennes et bushinengué à sa gestion au quotidien selon Guyane la 1ère. “Un premier pas dans ce sens pourrait être fait par la création d’un conseil du fleuve Maroni, avec une personnalité morale et un financement binational”, a soutenu M. Serville à l’occasion de la remise du rapport.


Le Conseil du fleuve Maroni existe déjà depuis 2009 et les déclarations du Président de la CTG pourrait laisser entendre une future transformation de cet organe. Créée dans l’objectif de favoriser la coopération frontalière, cette instance consultative a en effet montré ses limites au fil des années et ne s’est plus réunie depuis 20 avril 2018. La rénovation de son statut et le renforcement de ses prérogatives, tel que proposé par M. Serville, permettrait alors de favoriser la coopération avec le Suriname tout en conférant plus de pouvoirs aux communautés riveraines et à leurs représentants, aujourd’hui absents des délégations officielles qui composent le Conseil du fleuve.


Par ailleurs, une déclaration conjointe portant sur la gestion commune du fleuve Maroni et de la rivière Lawa a été signée le 15 mars 2021 entre la France et le Suriname. Adoptée en parallèle du protocole qui fixe le tracé définitif de la frontière sur près de 400 km, cette déclaration vise à favoriser la coopération transfrontalière sur le fleuve, notamment dans les domaines de la sécurité, du transport des biens et des personnes et de la protection de la biodiversité. Les deux pays y ont également réaffirmé l’importance qu’il accorde au Conseil du fleuve, laissant imaginer une réactivation future de cet outil de coopération.


Comme le rappelle la députée Mme Bénédicte Taurine dans sa contribution versée au rapport de la Commission d’enquête, Wild Legal soutient pour sa part que l’octroi d’une personnalité juridique pour le Maroni et la reconnaissance de ses droits permettrait de renforcer une telle institution. Si les évolutions préconisées par le rapport favoriseraient bien la participation des communautés du fleuve, nous pensons que seule la reconnaissance d’une personnalité juridique permettrait pleinement de reconnaître le lien d’interdépendance qui unit le fleuve et ses riverains.


Depuis la tenue de son procès simulé, Wild Legal s’est consacré à de nombreuses rencontres avec les acteurs institutionnels de Guyane. Nos échanges avec le sous préfet de l’Oyapock, le Parc amazonien de Guyane, l’Agence régionale de santé, la CTG ou encore l’Office de l’eau nous ont permis de construire plusieurs scénarios d’évolution institutionnelle en faveur de la reconnaissance des droits du fleuve Maroni.


Prochaine étape : A l’occasion du Congrès mondial de la nature organisé par l'Union internationale de la conservation de la nature (UICN) à Marseille, Wild Legal et ses partenaires dévoileront ces propositions.


En partenariat avec le Réseau européen de l'Alliance mondiale pour les droits de la nature (GARN Europe) se tiendra, le samedi 4 septembre, l’événement « Des glaciers à l'océan. Forum pour les droits des écosystèmes aquatiques européens. » Ce forum, visionnable intégralement sur la page facebook de Wild Legal, sera l’occasion d’entendre les jugements rendus par le Tribunal des droits des écosystèmes aquatiques dans 5 affaires emblématiques, dont celle de l’orpaillage illégal et de la pollution mercurielle en Guyane. A cette occasion, nous présenterons également une proposition visant à la reconnaissance des droits des écosystèmes aquatiques en Europe et dans les Etats membres pour une meilleure protection du cycle de l’eau et des entités humaines et non humaines qui en dépendent.


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