Un cauchemar
éveillé
.
L’élevage intensif (à opposer avec élevage extensif) est un modèle agricole qui vise à maximiser la productivité. Il associe la recherche de meilleurs rendements et la réduction des coûts, obtenus grâce à une densité maximale des animaux. Concrètement, les animaux vivent dans des espaces très réduits et en intérieur.
Apparu après la Deuxième Guerre mondiale, ce modèle est aujourd’hui largement majoritaire en France. Parmi les animaux envoyés à l'abattoir, près de 80% qui en sont issus. Toutefois, il est de plus en plus remis en cause.
Une des principales critiques dont fait l’objet l’élevage intensif est son manque de considération pour la condition et le bien-être animal. En effet, bien souvent, les animaux ne vivent pas dans des conditions compatibles avec leurs impératifs biologiques et font l’objet de maltraitance.
Une enquête conduite par l’association L214 dans une porcherie bretonne illustre le traitement que connaissent de nombreux animaux dans les élevages intensifs. Avec près de 95% des individus élevés selon un modèle intensif, les cochons sont une des espèces les plus représentées dans ce système.
Le rapport révèle des conditions de détention épouvantables. Les animaux sont si serrés les uns contre les autres qu’ils peuvent à peine bouger et sont en incapacité de se coucher tous en même temps sans se gêner. Enfermés dans des bâtiments au sol de béton et sans paille, les cochons sont coupés de tout environnement naturel, si bien qu'il leur est impossible de manifester leur comportement d’animaux fouisseurs. Les porcelets sont sevrés de plus en plus tôt (au bout de 3 ou 4 semaines) et afin de maximiser la “production”, les truies voient leur nombre de portées par an croître toujours plus.
Faute de conditions d’élevage autorisant un quelconque épanouissement, les porcs développent des troubles du comportement et une agressivité anormale à l’encontre de leurs congénères. Finalement, ce sont près de 20% de cochons qui meurent avant même d’être envoyés à l’abattoir.
Outre des conditions misérables de vie, un cochon à l’engraissement n’a qu’une espérance de vie de 6 mois en élevage intensif, alors qu’il pourrait vivre une vingtaine d’années dans un environnement adapté.
Ces traitements sont-ils encore raisonnables ? La recherche scientifique et cognitive a permis de montrer que les cochons sont des êtres sensibles, dotés d’émotions, capables d’empathie et vivant au sein de communautés sociales complexes. Les études démontrent également qu’ils ont une excellente mémoire et qu’ils peuvent faire preuve de créativité.
Face à ces connaissances scientifiques, le législateur et les citoyens pourront s'interroger sur le bien-fondé de l’élevage intensif, incompatible avec le bien-être animal. Ce modèle de production peut-il encore être toléré, au vu des nombreuses alternatives au niveau alimentaire et le droit ne devrait-il pas intervenir pour fixer de nouveaux standards juridiques afin de protéger les droits fondamentaux de ces êtres vivants, ignorés par les normes actuelles ?
Photo : Élevage intensif breton. Crédit L214.
Photo : Élevage intensif breton. Crédit L214.
Photo : Élevage intensif breton. Crédit L214.
Photo : Élevage intensif breton. Crédit L214.
Chiffres-clés.
3
[MILLIONS D’ANIMAUX TERRESTRES ABATTUS PAR JOUR]
3 millions, c’est le nombre d’animaux terrestres envoyés chaque jour à l’abattoir en France, pour l’alimentation (pour plus de précisions sur les chiffres).
1060
[MILLIARDS D’ANIMAUX TUÉS PAR AN]
1060 milliards, c’est le nombre d’animaux tués chaque année, dans le monde, pour la consommation humaine.
80
[% D’ANIMAUX VIVENT DANS DES ÉLEVAGES INTENSIFS]
80%, c’est la proportion des animaux abattus, en France, qui sont issus d’élevages intensifs. 95% des cochons sont élevés selon un modèle intensif (pour plus de précisions sur ce chiffre).
UNE INDUSTRIE
DE COCHONS
n°1
Enjeu
ENJEU N°1
Mettre fin, en pratique,
aux mutilations systématiques.
Les porcs détenus dans des élevages intensifs développent des troubles du comportement en raison de l’inadéquation de leur environnement avec leurs besoins biologiques. Ils manifestent notamment des comportements agressifs et peuvent blesser leurs congénères, par exemple en leur mordant la queue, faute d’autre distraction ou d’espace pour évoluer librement. Afin d’éviter de tels agissements, de nombreux exploitants ont l’habitude de sectionner à vif la queue des porcelets. Appelée la caudectomie, cette pratique n’est pas anodine pour les porcs qui peuvent ressentir une douleur intense pouvant se prolonger dans le temps.
En raison des souffrances infligées, cette pratique est interdite à l’échelle de l’Union européenne par la Directive 2008/120/CE du 18 décembre 2008 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs. Cette interdiction est transposée en droit français, par l’arrêté du 16 janvier 2003 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs.
Celui-ci dispose que : “La section partielle de la queue et la réduction des coins ne peuvent être réalisées sur une base de routine, mais uniquement lorsqu'il existe des preuves que des blessures causées aux mamelles des truies ou aux oreilles ou aux queues d'autres porcs ont eu lieu. Avant d'exécuter ces procédures, d'autres mesures doivent être prises afin de prévenir la caudophagie et d'autres vices, en tenant compte du milieu de vie et des taux de charge. Pour cette raison, les conditions d'ambiance ou les systèmes de conduite des élevages doivent être modifiés s'ils ne sont pas appropriés”.
Avant de pratiquer la caudectomie, un exploitant doit prendre des mesures pour remédier à la cause des anomalies comportementales observées et donc améliorer les conditions de vie des porcs au sein de son exploitation.
Les recherches scientifiques ont mis en évidence que les cochons sont des animaux fouisseurs (qui creuse la terre), aussi la réglementation européenne exige que soient mis à leur disposition de la paille, du foin, des copeaux de bois (etc.) afin de leur permettre de mener des activités de recherche et de manipulation. Malheureusement, dans de nombreuses exploitations, les porcs ne bénéficient pas de tels matériaux ce qui explique, en partie, leurs comportements agressifs. Pour les limiter, de nombreux éleveurs se tournent alors, de manière illégale, vers la caudectomie.
Malgré l’interdiction, ces pratiques sont toujours largement répandues mais une prise de conscience est en marche dans les tribunaux. C’est ce que souligne la décision du tribunal correctionnel de Moulins rendue le 6 avril 2022. Pour la première fois, les propriétaires d’un élevage porcin dans l’Allier sont condamnés à 50 000 euros d’amende pour maltraitance animale après avoir coupé de manière systématique la queue des cochons (voir l'article de Ouest France).
D’autres mutilations, pourtant interdites par la réglementation, sont encore pratiquées, comme le montre régulièrement L214. Il est donc nécessaire de repenser globalement le modèle de l’élevage, par le prisme des droits fondamentaux des animaux.
Enjeu
n°2
ENJEU N°2
Mettre fin à l'élevage intensif.
Depuis 1976, l’article L214-1 Code rural prévoit que : “Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce”.
On sait aujourd’hui, grâce à la science, que les cochons sont des êtres complexes, sociaux, ayant divers besoins. Or, lorsqu’ils sont détenus dans des élevages intensifs, en raison des caractéristiques de ce modèle agricole, ils sont dans l’incapacité de manifester les comportements naturels propres à leur espèce.
La science nous apprend notamment, qu'avant de mettre bas les truies s’isolent du groupe et que le sevrage des porcelets se fait naturellement vers l’âge de 4 mois. Or, comme le rappelle l’association L214 : “En élevage intensif, aucun de ces comportements maternels n’est possible. Les truies, inséminées artificiellement, sont encagées, sans même pouvoir se retourner, pendant la mise bas et toute la période de l’allaitement, au milieu de plusieurs dizaines d’autres truies placées dans la même situation. Leurs porcelets leur sont retirés de force au bout de 3 à 4 semaines”.
Le jeu est également essentiel pour le développement cognitif des jeunes cochons. Selon l’association, ce caractère joueur peut se manifester par : “des explosions d’énergie [sauts, trottinements, etc.], mais aussi par des comportements sociaux plus subtils, tels que des contacts du groin". Il est donc scientifiquement établi que ces conditions d’élevage (fortes densités, environnement pauvre, truies encagées pendant de longues durées) ne sont pas adaptées aux besoins biologiques et sociaux des cochons. Pour le Dr. Lori Marino, neuroscientifique spécialisé dans le comportement et l’intelligence des animaux, « la recherche scientifique suggère que nous devrions repenser entièrement les relations que nous entretenons avec eux ».
Bien que la notion d’impératif biologique existe dans la loi, celle-ci n’est pas définie par le législateur. Dès lors, elle est sujette à l’interprétation d’acteurs aux intérêts divergents. Ce flou juridique est une porte ouverte à l’exploitation des animaux et les conditions dans lesquelles nombreux sont détenus montrent que les impératifs économiques sont prioritaires, au détriment des impératifs biologiques des espèces.
Outre l’incompatibilité de l’élevage intensif avec le droit français, cette pratique ouvre la possibilité d’une condamnation de la France par l’Union européenne. En effet, tant la Directive 98/58/CE du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages que la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages disposent, par exemple, que : “La liberté de mouvement propre à l'animal, compte tenu de son espèce et conformément à l'expérience acquise et aux connaissances scientifiques, ne doit pas être entravée de telle manière que cela lui cause des souffrances ou des dommages inutiles”. Il est évident que toutes les exploitations pratiquant l’élevage intensif ne respectent pas cette obligation.
Il est donc notable que notre droit est en parfaite inadéquation avec nos connaissances scientifiques et que le modèle agricole fait l’objet de normes qui, loin d’assurer le respect des animaux, garantient au contraire le développement d’un système productiviste acharné.
Droits fondamentaux
de cette campagne.
DROIT DES PORCS D'ÊTRE PROTÉGÉS CONTRE LES MUTILATIONS
Aux termes de l’arrêté du 16 janvier 2003 établissant les normes minimales relatives à la protection des porcs : “La section partielle de la queue et la réduction des coins ne peuvent être réalisées sur une base de routine [...]. Avant d'exécuter ces procédures, d'autres mesures doivent être prises afin de prévenir la caudophagie et d'autres vices, en tenant compte du milieu de vie et des taux de charge. Pour cette raison, les conditions d'ambiance ou les systèmes de conduite des élevages doivent être modifiés s'ils ne sont pas appropriés”.
DROIT DE VIVRE DANS DES CONDITIONS COMPATIBLES AVEC LES IMPÉRATIFS BIOLOGIQUES DE L'ESPÈCE
Aux termes de l’article L214-1 du Code rural : tout animal “doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce”.
DROIT À LA PROTECTION CONTRE MAUVAIS TRAITEMENTS DES ANIMAUX DE FERME
L'article L214-3 du Code rural dispose : “Il est interdit d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu'envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité”.
Arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d’immobilisation, d’étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs, prévoit en son Annexe 1 : "4. a) Les animaux doivent être déplacés avec ménagement (...).
b) Il est interdit d'asséner des coups ou d'exercer des pressions aux endroits particulièrement sensibles. (...)”.
Notre demande.
« Mise en compatibilité immédiate des élevages avec le droit européen et français s’agissant de l’interdiction des mutilations et de l’obligation de placer les animaux dans des conditions compatibles avec leurs impératifs biologiques et leurs droits fondamentaux »
Nos propositions.
Wild Legal entend proposer une relecture du droit animalier français pour le soulager d'un paradoxe majeur. En effet, quoi que reconnaissant l'obligation pour les humains propriétaires d'animaux de les placer dans des conditions compatibles avec leurs exigences biologiques, le droit français n'a pas pour autant reconnu réciproquement le droit de ces mêmes animaux à disposer desdites conditions de vie. Il s'agira simplement d'adopter une vision moins anthropocentrique, afin de reconnaître que d'autres entités vivantes ont elles aussi des droits intrinsèques, propres à leurs besoins.
01
Afin de reconnaître explicitement des droits aux animaux, modifier l’article L214 du Code rural, comme suit : “Tout animal étant un être sensible à le droit de vivre dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.”
02
Inscrire dans le droit français des droits fondamentaux pour les animaux, issus d’une lecture extensive de la directive européenne de 2008 relative à la protection des animaux dans les élevages et de son arrêté de transposition et des cinq libertés fondamentales définies par l'Organisation mondiale pour la santé animale pour garantir le bien-être animal, reconnue par le ministère de l'agriculture française comme une référence.
Tout animal à le droit au respect de ses libertés fondamentales :
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Le droit de se mouvoir et d’évoluer dans des conditions compatibles avec leurs exigences biologiques.
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Le droit de pouvoir exprimer les comportements naturels propres à son espèce.
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Le droit de ne pas souffrir de la faim ou de la soif.
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Le droit ne pas se voir infliger des souffrances psychologiques ou des traitements susceptibles de causer des souffrances ou des dommages affectant sa santé ou son bien être sur le long terme.
03