Journal de rivières… retrouvailles sur les rives du Chéran
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Journal de rivières… retrouvailles sur les rives du Chéran


Après une première visite en 2022, l’équipe de Wild & Legal retrouvait ses partenaires du Parc naturel régional du Massif des Bauges et les représentants du Syndicat Mixte Interdépartemental d'aménagement du Chéran, en Savoie, dans le cadre de son expérimentation sur les droits des rivières et des fleuves les 28 et 29 juin.


L’objectif : agir ensemble pour reconnaître les droits de la rivière Chéran surnommée “la Perle des Bauges”, cours d'eau sauvage et impétueux.


Pour y arriver, l’objectif de cette deuxième rencontre a été d’élargir le nombre de partenaires impliqués et de définir une feuille de route pour l’année à venir.


Étaient réunis autour de la table :

  • Jean-François Lopez, directeur adjoint du PNR du Massif des Bauges (créé en 1995, également labellisé Géoparc mondial UNESCO)

  • Agnès Barillier, élue au SMIAC (syndicat mixte interdépartemental d’aménagement du Chéran) instance ayant pour objet de concourir à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau

  • L’équipe de Wild & Legal, Marine Calmet (Présidente), Elise Fontcuberta (service civique) et Florence Deshays (avocate),

Ainsi que deux nouvelles personnalités :

  • Yohann Tranchant, président du SMIAC et maire de Rumilly, une commune avoisinante

  • Aurélie Debusschère, chercheure indépendante en humanités environnementales et spécialiste en tourisme auprès des peuples autochtones.

Et les nouvelles sont positives : le processus de réécriture de la charte du Parc touche sa fin. Ce document rédigé par l’ensemble des élus locaux en collaboration avec d’autres acteurs du territoire fixe les grandes orientations de l’action du Parc pour les 15 prochaines années. Le texte prévoit qu’il sera nécessaire d’“invoquer les esprits de la nature pour recueillir leur accord sur les nouveaux plans, projets et programmes”. Cette formulation bien qu’aux premiers abords hétérodoxe, inspirée par une rencontre avec des gestionnaires d’espaces naturels dans la région de l'Altaï (comme vous l’explique Jean Francois Lopez, dans un entretien réalisée par Wild Legal), a été accueillie avec beaucoup d’intérêt à la fois par les acteurs concernés et par les scientifiques appelés à connaître du texte. Et pour cause ! Cette simple phrase montre l’enjeu du respect des besoins de la nature mais questionne aussi la possibilité pour nous, humains, de “consulter” la nature, pratique usuelle pour les chamanes des forêts de Sibérie, mais inusité des administrateurs d’espaces naturels… jusqu’ici !


En effet, le mouvement des droits de la nature porte en lui cette ambition de dépasser notre gouvernance actuelle, anthropocentrée, pour inclure la représentation de la nature et la prise en considération de ses intérêts propres dans nos modèles de gouvernance humains. C’est du fait de son expertise juridique ainsi que de sa connaissance du droit comparé et des nouvelles initiatives qui se développent au niveau mondial, que Wild Legal a proposé son aide au parc pour développer collectivement une pratique visant à mettre en œuvre cette consultation du vivant dans les processus de décision.


Droits de la Nature et cartographie sensible


Ces travaux ont suscité l’intérêt d’Aurélie Debusschère qui élabore actuellement un projet de thèse à visée expérimentale sur l'approche sensible au territoire. Par l'usage de la cartographie sensible, elle focalise ses recherches de terrain sur la réactivation des savoirs traditionnels et leur potentiel de médiation dans la "négociation avec le Vivant". Elle souhaite parvenir à identifier les mécanismes diplomatiques possibles avec les non-humains (rivières, lacs, forêts, montagnes...), nécessaires à leur juste représentation au sein de la gouvernance territoriale. (Pour en savoir plus, retrouvez l’un de ses articles ici).


En quoi consiste ces travaux ?


Une carte et différents supports sont utilisés pour collecter les relations sensibles existantes entre les acteurs consultés et le territoire. Cette cartographie rend compte des lieux d’émerveillement ou au contraire, de solastalgie, du fait notamment de la modification du paysage par les activités humaines.




Le processus est complété par des visites sur site, pour opérer un diagnostic du milieu. Cette pratique exploratoire dont nous avons pu faire l’expérience, est en cours de développement et a pour objectif d’intégrer des éléments nouveaux dans l’évaluation des besoins du Chéran et ainsi d’accompagner la réflexion autour de la consultation de la nature.


Ces synergies entre le droit et d’autres domaines, tels que la géographie, la sociologie et l’anthropologie tendent à répondre aux besoins exprimés par nos partenaires, notamment le parc, d’intégrer des considérations transversales dans les réflexions autour de la nouvelle Charte.


Ce déplacement nous a permis de filmer les portraits d’Aurélie Debusschère et d’interviewer de nouveau Jean-François Lopez pour un nouvel épisode de “Ma Rivière, c’est moi” qui sortira bientôt.



Une feuille de route faite de synergies


Afin de structurer notre travail dans les prochains mois, Wild Legal souhaite réussir à fédérer l’ensemble des partenaires ainsi que d’autres acteurs de terrain, pour avancer sur une feuille de route comprenant de multiples facettes :


  • La formation des acteurs locaux aux droits de la nature :

Pour que le Chéran puisse être protégé, il est nécessaire que les acteurs locaux (élu.e.s du SMIAC, travailleurs du Parc…) puissent jouer un rôle actif dans sa protection. Cette formation permettra de les sensibiliser au mouvement des droits de la nature et plus particulièrement développer ensemble les aspects pratiques de la reconnaissance des droits du Chéran pour ainsi renforcer leur capacité à agir.


  • Organisation d'un événement à destination du grand public :

La sensibilisation du grand public est essentielle pour susciter un engagement durable en faveur de la protection de la Nature. Nous organiserons un événement mêlant conférences, marches et activités festives avec le Parc pour célébrer le Chéran et son écosystème pour encourager une prise de conscience collective.


  • L’activation du Parlement de l’eau avec le SMIAC

Inspiré par les avancées en la matière au niveau international et notamment en Espagne sur la lagune Mar Menor, nous souhaitons, en activant ce Parlement de l’eau, favoriser la participation des acteurs du territoire, notamment citoyenne, dans la prise de décisions liées à la protection de l'eau. Alors que les périodes de sécheresse actuelles nous imposent de revoir notre modèle de gouvernance, le travail du Parlement de l’eau pourrait permettre de renforcer la place des connaissances scientifiques pour assurer la sauvegarde des besoins essentiels de la rivière et mettre en place des actions collectives de conservation, d'entretien et de restauration pour protéger les droits du Chéran.


  • L’intégration des droits de la nature au niveau juridique

Nous collaborerons avec nos partenaires sur l’élaboration de propositions juridiques encore à l’étude, concernant notamment les documents de planification territoriale (SDAGE, SAGE, PLU, PADDUC, etc...), afin de faire du respect des droits de la nature un principe directeur de l’action publique, adapté aux spécificités locales.


Nos espoirs


Ces retrouvailles ont suscité beaucoup d’enthousiasme et offrent de nombreuses perspectives pour la campagne d’expérimentation du programme Wild Legal. Ces travaux participent à la création de nouveaux récits et d’un nouvel imaginaire pour laisser l’opportunité à chacun, chacune d’être gardien ou gardienne de la Perle des Bauges !














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